Une découverte de la spéléologie sous-glaciaire

Week-end du 5 et 6 mars 2022

Par Cécile
Participants : Audrey, Phileas, Jérôme, Loïc, Carlos, Cécile

L’hiver est déjà bien entamé lorsque nous décidons d’organiser un séjour dans la belle région du Valais en Suisse. Au programme : deux grottes glacées au cœur de l’arc alpin, au sud de Sion, à l’ouest du Matterhorn, entre Dent Blanche et Mont Collon. L’une se trouve au bout de la vallée de Zinal et l’autre au bout de la vallée d’Arolla.  

Il n’a pas beaucoup neigé depuis fin décembre, ce qui laisse entrevoir un accès sans trop de contraintes (principalement liées aux avalanches).

Nous nous retrouvons tous le vendredi soir à l’auberge de jeunesse de l’Alpenrose à Chamonix pour débriefer du week-end qui nous attend (mais aussi pour se donner des nouvelles !). Les retrouvailles se passent dans la bonne humeur mais le besoin de repos se fait sentir.

Arrivée en ski de rando devant le porche de la grotte sous-glaciaire du glacier d’Arolla

Après une nuit confortable dans un grand dortoir (où étions seuls), et un petit déjeuner bien énergique, nous prenons la route à deux voitures direction la ville de Sion en Suisse. Il nous faudra environ 1h30 pour atteindre Sion puis encore 1h pour rejoindre le parking d’accès au glacier de Zinal.  Pour l’ascension, certains ont préféré le déplacement en ski de randonnée et d’autres en raquettes (même si ces dernières n’auront pas été utiles au vu de la modeste quantité de neige tombée ces derniers temps). Nous commençons par tracer sur une piste de ski de fond sur laquelle quelques skieurs s’entrainent. Arrivés à un petit pont qui nous permet de traverser la rivière de la Navisence, nous entamons un chemin à flanc de versant, bien délimité mais avec une belle inclinaison. Nous constatons que le chemin est bien fréquenté par les piétons ce qui laisse présager une grotte assez touristique. Nous quittons le chemin principal pensant qu’il s’agissait d’un raccourci … Nous en profitons pour d’admirer des grimpeurs sur une cascade de glace. Le chemin n’étant pas accessible par la suite, nous sommes obligés de redescendre vers le chemin principal : c’est l’occasion pour les skieurs de tester la petite descente dans la poudreuse en conservant les peaux (la descente technique aura eu raison d’un de nos skieurs, mais fou rire garanti !). Nous poursuivons le chemin dans la belle nature sauvage du val d’Anniviers où nous retrouvons la rivière du glacier de Zinal ; nous la longeons jusqu’à la base du glacier de Zinal où s’ouvre la cavité. Le paysage est magnifique, nous sommes cernés par les monts Besso, Durand, la Dent Blanche et le Grand Cornier ; le ciel d’un bleu profond se détache sur les pics acérés et les glaciers.  

Arrivés à la cavité après deux heures de marche/ski et 450 m de dénivelé remonté, un certain nombre de touristes sont déjà présents. Nous décidons de prendre notre pique-nique en attendant que la grotte se vide. Nous la visitons en début d’après-midi : les nuances bleutées des parois lisses tranchent avec le manteau blanc extérieur. L’eau du glacier s’écoule à l’intérieur de la grotte.


Le glacier de Zinal n’échappe pas à la règle des glaciers alpins. Il recule à raison d’une dizaine de mètres par an. Ainsi, le glacier est en perpétuel mouvement. Par conséquent, la configuration de la grotte est changeante ce qui rend chaque visite unique. La grotte pourrait parfois atteindre une profondeur de 180 m. Pas de bol pour nous, cette année-là, nous arrivons au fond de la cavité au bout de quelques dizaines de mètres. Nous tentons de nous avancer, nous qui avons l’habitude des chatières, mais le plafond rejoint presque le sol et la rivière nous bloque le passage. Il n’est pas envisageable de se mouiller avec la température négative de la grotte (-8°). Nous prenons alors le temps de faire de belles photos et des séquences vidéo.

Le porche du glacier est important, mais sa suite est incertaine.
La présence d’un cours d’eau à la sortie est synonyme d’un hiver extrêmement doux.



Le groupe se sépare pour la descente : les skieurs font le plein de sensation, les piétons en profitent pour discuter dans la descente ! Le dernier qui quitte les lieux de la grotte est Philippe qui ne parvient pas à mettre ses skis … les inserts de ses chaussures sont gelés, car il a mis les pieds dans l’eau ! Il raconte que le soleil avait disparu, que le vent s’était levé et le froid redoublé (-11°), avec un ressenti bien inférieur (-18°).

Nous nous retrouvons autour d’un petit verre de réconfort à Zinal. Il est temps de rejoindre notre auberge de jeunesse à Sion. La nuit tombée, la première voiture arrive à l’auberge. Quelle ne fut notre surprise de constater que nous étions les seuls clients pour la nuit dans cette immense bâtiment … Le soir, nous préparons nos affaires pour le lendemain et dégustons une savoureuse raclette pour compenser le froid de la journée.

Le lendemain, nous prenons la route vers la vallée d’Arolla, direction la grotte sous-glaciaire du glacier du même nom. Tout comme l’ascension de la veille, nous arrivons à un parking puis suivons une piste nordique. Le parcours est en pente douce (200 mètres de dénivelé) et nous atteignons la grotte, sans effort particulier, en passant sous une accueillante arche de glace.

Nous avons devant nous une vue fantastique sur l’immense glacier d’Arolla et les sommets le bordant dont le remarquable Mont Collon qui se dresse, telle une pyramide, devant nous.
Le temps est magnifique, mais il fait encore plus froid que la veille, le soleil n’arrivant que dans l’après-midi. Evidemment, l’accès étant facile et sans danger, beaucoup de monde se rend vers la cavité glaciaire, mais peu en font la traversée et uniquement en suivant la rive droite.

Le porche du glacier d’Arolla

Nous entrons par son exutoire à la base du glacier. La grotte est de belles dimensions (35 m de large x 15 m de haut) et elle se développe sur plus de 100 mètres jusqu’à une sorite amont. Une rivière reste figée entre des blocs en raison d’un courant d’air glacial (température : -11°).  

Plusieurs d’entre-nous, mettons nos crampons, et nous traversons la trouée glacée du glacier en admirant les formes incroyables de la glace sculptée : c’est magnifique ! Les nuances de bleus sont extraordinaires et ressortent différemment selon les angles et les heures. On voit nettement les strates du glacier et ses plissements, les dépôts qu’il transporte. Ceux qui ont chaussé les crampons se risquent sur un lac gelé et grimpent plusieurs cascadelles. Nous réalisons sans attendre de superbes photos et des séquences vidéo, et tout le monde y apporte son soutien … Philippe a du mal à réaliser ses séquences, car il a les doigts totalement gelés … Audrey vient donc l’assister.

Arrivés à la sortie de la grotte, de l’autre côté, nous nous régalons … mais restons prudents, car nombreuses sont les crevasses dissimulées sous la couche de neige fraiche. De même, la grotte nous prévient de ses dangers avec les divers blocs rocheux qui jonchent le sol.

La grotte sous-glaciaire se développe sur 100 m et il y a une sortie amont, d’où ses lumières incroyables !







Qui dit tunnel glacé, dit vent qui s’engouffre. Nous refroidissons vite (température ressentie : -18°), il est temps de descendre. Le groupe de skieur prend la tête, tandis que les piétons se dépêchent de rentrer au chaud. Philippe traîne dans la grotte pour terminer ses plans jusqu’à l’arrivée du soleil, puis dévale à toute vitesse les pentes pour rejoindre le groupe et les voitures.

Il nous reste un peu de temps pour nous arrêter dans un bar autour d’un bon chocolat chaud. Du village, le Cervin pointe tout au fond de la vallée.

Mais le temps nous rattrape très vite et nous devons vite rejoindre Chamonix et se séparer. Un week-end très sympa avec son lot de découvertes originales !

Témoignage …

La glace, en spéléo, me fascine … J’ai parcouru mes premières cavités glacées dans la Chartreuse, le Vercors et le Dévoluy : des glacières sous le karst. En Islande, j’ai visité un tunnel de lave contenant de la glace. En Autriche, j’ai pu organiser deux expéditions vers les plus belles cavités de glace du monde. Mais c’est la première fois que je visite des cavités sous-glaciaires. La grotte sous-glaciaire de Zinal n’a pas livré cette fois-ci tous ses secrets, mais j’ai été comblé par la grotte sous-glaciaire d’Arolla. Nous traçons en ski de rando jusqu’au fond de l’étroite vallée jusqu’à la base de deux immenses glaciers qui surgissent de part et d’autre d’une pyramide de pierre, le Mont Collon. Une arche de glace sous laquelle le groupe passe marque le début de notre aventure : Les premières nuances bleutées font leur apparition dans ce monde blanc. Le front de la langue du glacier et l’entrée de la cavité se dévoilent ! Crampons aux pieds, l’exploration commence …  Alors, tout se fige… je reste sans voix devant ces imposantes voûtes de glaces bleutées. Le sentiment très unique de se retrouver dans les entrailles d’un géant de glace est fascinant. On se sent comme de retour en enfance, émerveillé par la découverte d’un nouveau monde. Nous explorons un univers presque irréel fait d’un esthétisme raffiné … les formes, la lumière, les couleurs sont un émerveillement pour les yeux. La galerie, un tunnel en forme d’amande, voutée, sculptée par l’eau et le vent est teintée de multiples nuances bleutées. Chaque détail est intriguant : Comment les torrents sous-glaciaires ont-ils façonné de telles grottes ? Quel âge ont les strates qui se superposent dans la galerie ? Depuis combien d’années les pierres que l’on peut observer à travers la glace ont-elles pu être retenues prisonnières ? A quoi ressemblaient ces cavités autrefois et à quoi ressembleront-elles les hivers prochains ? Malgré le froid vif, les mains gelées … on a du mal à s’arracher de cet endroit aussi magique qu’intimidant. Bien après notre exploration, je ne peux m’empêcher de laisser mes pensées divaguer et revisiter chaque instant, émerveillé par ce spectacle éphémère dont on a eu la chance d’être témoin.

Philippe

Auteur de l’article : Mabrouk Haoues

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